Avocat au parlement de Paris où il avait été reçu en 1733, Louis-Adrien Le Paige n’a cessé pendant plus d’un demi siècle de « collectionner » tout ce qui touchait à l’histoire et à l’activité des cours souveraines, et d’inspirer leurs combats. L’affaire dite des Refus de sacrements en donne une parfaite illustration. Le parlement de Paris avait arrêté de longues remontrances pour supplier le roi de « ne plus abandonner son autorité entre les mains des Ecclésiastiques qui en abusent avec indécence ». Le souverain n’ayant pas voulu les recevoir, le parlement avait décidé la cessation du service tant qu’il maintiendrait son refus ; ses membres avaient été aussitôt relégués ou déplacés et remplacés quelques semaines plus tard par de simples commissaires. Seize mois s’écouleront avant leur rappel.
Seize mois pendant lesquels Le Paige s’est efforcé de démontrer qu’un schisme menaçait le royaume et que le parlement avait le devoir de le combattre. Une telle activité éditoriale nous a incité à en connaître la source, en pénétrant dans l’inépuisable fonds Le Paige conservé à la Bibliothèque de la Société de Port-Royal. On y trouve notamment un volumineux in-4° totalement consacré à la dispersion du parlement en 1753-54, probablement constitué à l’origine par le conseiller Lefebvre de Saint-Hilaire avant d’être remis à son ami Le Paige, qui a lui-même constitué une documentation de première main sur le sujet.
Certes, ces archives ne sont pas véritablement inédites, mais en raison de leur exceptionnel intérêt, nous avons entrepris de les sortir de l’ombre et de les regrouper en suivant le cours logique des événements qu’elles illustrent. Prennent ainsi toute leur valeur ces procès-verbaux et ces lettres, ces réflexions et ces mémoires, ces récits colorés ou ces brouillons chargés de ratures, documents originaux ou apparus en copie.
Pour autant, le lecteur n'y trouvera pas une histoire exhaustive de la dispersion du parlement ; mais grâce à eux il comprendra mieux les causes, les enjeux et les conséquences de ce long épisode qui a profondément marqué le milieu du dernier siècle de l’Ancien Régime. Ces pages sont riches en effet des grands principes défendus par le parlement, mais aussi des drames personnels vécus par les exilés ; elles font revivre avec une étonnante précision la pratique judiciaire quotidienne, les intrigues de la Cour et les luttes d’influence au sein du ministère ; elles montrent enfin comment circulait l’information entre les différentes colonies du parlement dispersé.